Ces dernières années ont vu débarquer dans le golf de nouveaux types de joueurs. Plus musclés, plus endurants, plus puissants, plus explosifs. Leur but : faire parler leur longueur pour gagner un avantage sur le reste de la meute. Leur indicateur favori : la vitesse de la tête de club. Si c’est Tiger Woods qui a, le premier, révolutionné les mœurs en matière d’athlétisme sur les fairways, une nouvelle génération s’illustre aujourd’hui pour nous offrir toujours plus de spectacle. Ces jeunes sont inspirés par une autre discipline, proche du golf, le « Long Drive ». Le but : envoyer la balle le plus loin possible avec le driver. Le joueur du PGA Tour qui s’est le plus inspiré du Long Drive est Bryson DeChambeau. Il a d’ailleurs participé à plusieurs compétitions, en y figurant parmi les finalistes. Aujourd’hui, il apporte cette expertise dans les tournois traditionnels du PGA Tour, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça déménage !

Bon pour le spectacle ?

Les amateurs du spectacle à tout prix en prennent plein les yeux, à chaque fois que Bryson DeChambeau prend part à un tournoi. Il est devenu une attraction pour le grand public. Les avis sont très partagés : certains détestent cette nouvelle forme de golf, d’autres y perçoivent déjà l’avènement du golf moderne, comme une évidence, un nouveau chapitre qui s’écrit. Les jeunes générations sont déjà conquises par cette démonstration de force et de puissance.

Les commentateurs n’en reviennent pas et les spectateurs hurlent son nom, l’implorant de sortir le driver. Bon joueur, ce dernier s’exécute volontiers. Sa préparation, basée sur celle du long drive, est spectaculaire, avec des respirations profondes pour se préparer à l’effort. Loin de la tranquillité du joueur moyen du PGA Tour, Bryson aborde chaque départ comme une épreuve de force, un peu à la manière d’un lanceur de poids.

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Il a battu déjà bon nombre de records de distance sur le PGA Tour, et comme il est armé d’un petit jeu et d’un putting solide, il représente un très sérieux candidat pour tous les titres majeurs de golf.

Des parcours de golf inadaptés ?

De fait, comme ses coups de départ parcourent une distance très importante, cela bouleverse la géométrie des parcours de golf. Bon nombre de bunkers de fairways deviennent inopérants, puisqu’ils sont survolés plus que largement. Certaines balles de golf de Bryson menacent même directement les greens des Par 4. Pour être clair, les greens sont moins bien défendus aujourd’hui face à de tels bombardiers. Leurs défenses naturelles ne sont plus aussi protectrices qu’au moment où les parcours de golf ont été conçus.

Si l’on regarde le Masters d’Augusta, un tournoi mythique, on a bien vu ces dernières années des trajectoires qui n’avaient jamais été employées jusqu’alors, survolant des bois pour « casser » la distance. On pense à Bubba Watson, sur le Par 5 numéro 13, qui se retrouve avec un Fer 9 dans les mains pour toucher le green en deux.

Mais Bryson lui non plus n’est pas en reste, et a déjà su faire parler sa longueur sur ce parcours, même si pour l’instant la réussite l’a toujours fui.

Une discrimination pour les petits gabarits ?

Avec cette dynamique, l’ensemble de la population des joueurs de golf professionnels a dû s’adapter. Face à l’arrivée de talents au profil très athlétiques, tout le monde doit désormais se mettre au niveau, pour avoir encore une chance de rester dans la course à la performance. Les joueurs sont assez fiers de partager leurs entrainements physiques sur les réseaux sociaux, faisant rentrer une bonne fois pour toute le golf dans la catégorie des sports, et non plus des loisirs. Si l’on observe cette tendance, on peut se demander si, à terme, certains joueurs, au gabarit moins musclé, continueront d’avoir leur place parmi l’élite.

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Un peu comme au basket, qui est un sport très discriminant pour les petits joueurs. Le golf au plus haut niveau, semble désormais imposer une facette physique qui n’a pas toujours été déterminante par le passé. Il n’était pas rare de voir des physiques un peu bedonnant, cela va vraisemblablement disparaitre des radars au haut niveau. Pour la beauté du sport, il reste néanmoins de l’espoir, lorsque l’on voit par exemple un joueur comme Collin Morikawa, qui mise son jeu plutôt sur la maitrise des distances, fer en mains.

Malgré tout, même si c’est un petit gabarit, Collin est un athlète de haut niveau, qui a transformé également son corps en un outil de travail prêt à affronter le PGA Tour, et sa concurrence féroce.

Quid de la régularité de la performance ?

Lorsque l’on voit Bryson DeChambeau réussir des exploits au driving, on peut se demander si cela est durable dans le temps ? Si l’on regarde par exemple un tournoi de golf, il se déroule sur 4 jours. Lorsque l’on base sa stratégie sur la puissance, il est difficile de maintenir cela sur les 4 jours du tournoi.

Or, cette puissance, pour être maitrisée, doit être alliée à une extrême précision. Autrement dit, les journées sans, pour Bryson, cela signifie des balles très longues, mais dans la mauvaise direction.

Et donc des balles difficilement récupérables. Elles finiront probablement en balles de golf de récupération. Si l’on regarde la carrière de Bryson dans toute sa durée, sera –t-il en mesure de performer aussi longtemps qu’un joueur qui ne mise pas tout sur son physique ? Sera-t-il épargné par les blessures sur le long terme ? Lorsque l’on regarde la violence de ses swings de golf, on peut légitimement en douter. Les effets sur le corps à long terme, c’est l’inconnue majeure de cette stratégie de performance basée sur la puissance. Faut-il mieux ultra performer 10 ans, quitte à se bousiller la santé, ou réussir une carrière plus longue mais constituée de moins de coups d’éclats ? L’avenir nous dira si Bryson a été un épiphénomène, ou s’il a conduit le golf tout simplement dans une autre dimension.