Ce texte a été présenté au concours d’écriture intitulé Le Grand Prix Littéraire du Golf, lors de l’édition 2022. Même si elle n’a pas été lauréate du concours, Le Meilleur du Golf l’a beaucoup appréciée, et a souhaité partager cette nouvelle avec ses lecteurs. Nous espérons que vous prendrez du plaisir à la lire. Et peut-être que vous aussi, vous prendrez part à la prochaine édition du GPLG?


Cette matinée de printemps s’annonçait magnifique. Un léger parfum de rose embaumait l’allée qui menait au club house. Le ciel d’un bleu azur augurait d’une journée radieuse.

La veille j’avais passé un long moment à nettoyer mes clubs, marquer mes balles, vider les vieilles cartes de mon sac pour y accrocher ma plus belle serviette toute propre. J’avais même rempli ma gourde, chose que je ne faisais quasiment jamais, achetant généralement des bouteilles d’eau au club house. Clairement ce jour-là avait quelque chose de particulier.

C’était « Jour de compétition ».

Je ne sais pas pourquoi mais ça faisait une éternité que je n’avais autant pris soin de mes affaires.

C’était ce genre de journée où on se dit que rien ne peut vous arriver. Je débordais d’énergie et j’avais de très bonnes sensations.

La présentation de la compétition se tenait sur le putting green où tous les joueurs s’étaient rassemblés.

Le speaker commençait comme toujours par les recommandations d’usage et les règles locales.

Puis, il passait au moment le plus attendu, l’annonce des équipes.

Il y avait toujours un peu de tension dans ces moments-là. Comme si le temps s’arrêtait. En fonction des partenaires qu’on vous attribuait les visages affichaient de larges sourires ou des déceptions à peine dissimulées.

De mon côté, je dois dire que j’étais plutôt bien tombé. Un jeune homme très sympathique de plus de deux mètres et deux charmantes joueuses qui étaient de loin les mieux classées de l’équipe. Même si je ne les connaissais pas, j’avais le sentiment que la partie allait être à la hauteur de mon humeur. Joyeuse et inspirante.

Dès les premiers trous, je ressentis cette sérénité qu’on a tous appelé un jour de nos voeux. Chaque coup me semblait simple. Ma balle était le pinceau des courbes de mon imaginaire. Mes yeux dessinaient les trajectoires à suivre dans l’espace et elle reproduisait à la perfection ce que j’avais visualisé.

Et quand je faisais un mauvais coup, un arbre, un caillou ou encore une bordure bien placée, me remettaient sur le droit chemin.

Je m’étonnais même de la qualité de mes approches qui me valaient bien souvent les félicitations de mes partenaires. Heureusement, qu’ils ne m’avaient pas vu la semaine d’avant où je me demandais si le golf était le nom d’un sport ou d’une torture. A chaque partie, son histoire.

Les trous s’enchainaient, mon jeu restait solide et je réussissais à garder la zenitude indispensable pour bien jouer.

Les organisateurs avaient bien fait les choses. A des endroits stratégiques, un immense tableau donnait le classement de la compétition. On se serait cru dans un tournoi de l’European Tour. Ce sont toujours les détails qui font la différence. Et là je dois dire qu’on s’approchait de la perfection.

Au trou numéro 13 notre partie était très bien positionnée. Les filles de l’équipe étaient à deux points de la tête du classement féminin pendant qu’avec mon géant nous partagions, en compagnie de deux autres golfeurs, la tête de la compétition masculine.

Même si la concentration restait maximale, l’ambiance était excellente entre nous. Là où le classement aurait pu créer une certaine tension, il avait provoqué l’effet inverse.

Chaque bon coup donnait lieu à des encouragements de l’équipe. Rarement j’avais senti autant de bienveillance dans une partie.

En sortant du green du 17, les positions s’étaient encore plus précisées.

Avec 2 coups d’avance sur nos poursuivants, la victoire allait se jouer entre mon grand gaillard et moi sur ce dernier trou.

A l’instant même où je vis ma balle sortir de mon putter, et ce malgré les 6 mètres qui me séparait du trou, je compris, que ce dernier « BIRDY », alors que mon partenaire venait de faire le « PAR », était signe de victoire. Leur sourire et leurs accolades ne firent que confirmer ce que je devinais déjà.

Les cocktails de remise des prix pourraient s’appeler « on refait le parcours ». Chacun y va de son meilleur coup, de son manque de réussite ou encore de son putt exceptionnel.

Dans tous les cas, quel que soit le niveau dans lequel on joue, gagner même un championnat de club provoque toujours un bonheur immense.

Et à l’annonce de mon nom, je l’avoue, j’eus une certaine émotion.

Je montai donc sur la scène et pris le micro pour remercier et féliciter mes partenaires du jour et tous ceux qui avaient oeuvré pour ce bel événement.

Mais contre toute attente, alors que l’animateur me tendait le trophée du vainqueur, je fis une déclaration totalement inattendue.

A la surprise générale je refusai la victoire et m’auto déclassai.

La raison était certes stupide mais malheureusement totalement indiscutable. Et même si cela était terriblement douloureux, moi seul pouvais prendre cette décision et pour cause.

Je racontai donc devant une assistance médusée la cause de ma sanction.

Quelques minutes auparavant, alors que je rangeai mes clubs dans le coffre de ma voiture, je découvrais l’inimaginable. Je venais de jouer tout le parcours avec quinze clubs dans mon sac, au lieu des quatorze autorisés.

La faute à mon hésitation la veille entre le bois 5 et le fer 4.

Résultat dans l’euphorie matinale, oubliant mes doutes, j’avais gardé les deux clubs dans le sac.

Dans l’assistance je devinais ceux qui me trouvaient fou d’avoir avoué ma faute et ceux qui au contraire me vouaient une grande admiration. Pourtant, il ne pouvait en être autrement. Au golf chaque joueur est son propre arbitre et je rageais si souvent contre les tricheurs que je me devais d’être exemplaire.

Que je me souvienne, je signais là sans aucun doute ma plus belle victoire.


Directeur des chaînes Canal+ Sport à l’International, Pierre Chaudesaygues  a toujours été amené dans son métier de journaliste à raconter des histoires au travers des nombreuses émissions et des différentes productions pour la télé. Passionné de la petite balle blanche, il a été l’un des artisans à la création de la chaîne GOLF+ (Groupe Canal+).


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