Ce texte a été présenté au concours d’écriture intitulé Le Grand Prix Littéraire du Golf, lors de l’édition 2022. Même si elle n’a pas été lauréate du concours, Le Meilleur du Golf l’a beaucoup appréciée, et a souhaité partager cette nouvelle avec ses lecteurs. Nous espérons que vous prendrez du plaisir à la lire. Et peut-être que vous aussi, vous prendrez part à la prochaine édition du GPLG?
Après 26 heures de train-bateau-bus et une nuit blanche, j’arrive enfin à Strathpeffer au nord de l’Écosse. Personne n’est là pour m’accueillir. Je regarde entre mes jambes mon sac à dos digne d’une expédition au pôle nord. Actuellement, il me sert de siège et de socle à ma désespérance. Un scénario-catastrophe défile dans ma tête : on va m’oublier, je serai seule dans un pays inconnu, je vais mourir abandonnée de tous…
– I’m soooooo sorry !
Voilà enfin le bedonnant proviseur Mr Colins ! Il me conduit illico à la magnifique demeure de Mr Mac Cutchun.
– Du clan Mac Donald ! m’a-t-il tout de suite précisé.
– Hi Magueuliiiiii ! s’écrit sa fille Hillary.
– Bon-jourrrrr Ma-de-moi-zel ! lit Madame Mac Cutchun sur son post-it.
– Salut ! dit Sam, l’autre correspondant arrivé en voiture plus tôt (le veinard).
Hillary me montre ma chambre, aussi grande que mon appartement de l’époque. Je sieste aussitôt, enroulée dans des draps de satin rose.
Une fois reposée de mon périple, je descends au salon pour prendre l’apéritif. Dans l’escalier, les portraits de James Braid et de Colin Montgomerie rivalisent avec des photos des Mac Cutchun posant sur un green, un club à la main. Visiblement, ici, le golf fait l’unanimité ! Moi, ce sport ne m’intéresse pas : je ne vois pas ce qui peut provoquer son attrait : pas de glisse, pas de sueur, pas de force physique… D’ailleurs, est-ce vraiment un sport ?
Pour ne froisser personne, je garde pour moi cette réflexion. Après quelques gorgées de whisky dilué au coca (oooh… Sacrilège !), la conversation arrive fatalement sur le sujet.
– l’Écosse, ce n’est pas que le whisky et les kilts. C’est aussi la patrie du golf. C’est notre passion depuis plusieurs générations, vous savez. Vous devriez essayer.
En effet, toute la famille vouait son temps libre au golf, n’hésitant pas à descendre à Prestwick pour une journée afin d’assister à l’Open britannique.
Mais heureusement arrive Sam, habillé avec le tartan du clan. Cette tradition détourne l’attention et me permet d’esquiver. (ouf!)
Rythmé par les visites, un travail à l’hôtel du village et les sorties avec les correspondants, le séjour passe très rapidement.
Le dernier samedi, tous les jeunes se retrouvent au Regina, unique night-club où le whisky-coca coule à flot. Des bus ramènent normalement les fêtards chez eux, mais cette nuit-là, aucune navette ne vient chercher les derniers naufragés. Alors, comment rentrer ? Il y a bien la voiture de Sam mais il n’est pas en état de conduire. Étant la seule personne sobre, (je n’aime décidément pas le whisky, avec ou sans coca !) je décide de raccompagner les retardataires chez eux. Le plus excité, c’est Donan. Hurlant, poussant tout le monde, il tient une sacrée cuite ! Je lui pardonne : il a un charme fou avec ses cheveux bouclés !
Ce n’est pas facile de conduire pour la première fois à gauche, la nuit, mais je réussis ma mission.
Cette initiative est très appréciée. Le lendemain, la famille de Donan, reconnaissante, m’invite pour le tea-time. Je vais revoir mon bel écossais !
Attirée par l’odeur des cookies sortant du four, j’entre dans leur maison mais Donan me montre 2 caddies :
– Attends ! Tu ne peux pas venir en Écosse sans essayer le golf !
Mince ! Adieu les petites douceurs, bonjour le tee-time ! Mais Donan insiste alors je le suis. Le sourire ravageur de mon bel instructeur fait glousser les golfeuses sur son passage. Le golf lui redonne sa noblesse : Tiré à 4 épingles, ses cheveux bien arrangés sous sa casquette de marque, il a fière allure : Exit le garçon éméché de la veille !
Sur le practice, il m’explique les rudiments du golf. Mais il a beau parler, mimer, dessiner, rien n’y fait : Impossible d’atteindre ce fichu trou ! Après de multiples tentatives, il m’entraîne enfin sur le grand parcours. Et c’est ainsi que je découvre … une merveille ! Un immense espace, bordé de lacs, de forêts et de prairies offre une vue panoramique à couper le souffle sur le Cromarty Firth et les collines autour de Ben Wylis. On dirait une toile peinte par Cézanne, Braque et Van Gogh réunis ! Une beauté pastorale incomparable ! Évoluer dans ce paysage est tout simplement magique. Mais mon caddie pèse une tonne ! J’ai l’impression de porter un menhir ! Est-ce lié à la présence d’étranges pierres dans la lande alentours ?
Un petit pont de bois arque au-dessus d’un étang recouvert de nénuphars roses et blancs. Au milieu vogue silencieusement un cygne solitaire. Tout autour, un camaïeu de verts croise harmonieusement tel un tartan écossais…Mon Dieu, mais je prose !
Décidément, le golf va bien au-delà du sport. Il aspire à la réflexion durant les périodes de marche sur les fairways. Mais quand le green apparaît, la concentration est de mise. Gestes retenus, respiration contrôlée… Avec une infinie patience, qualité principale du golfeur qui n’est pas la mienne, Donan persiste pour que je persévère. Nous golfons ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. C’est là que réside le secret de ce sport passion. Il accapare tout votre être, le temps défile et plus rien d’autre ne compte. Je comprends que le golf convient parfaitement à Donan, lui apporte toute la sérénité dont il a besoin pour tempérer ses humeurs. Il m’avoue que c’est le seul endroit où il se sent bien et je commence à le croire. Je me suis trompée. Le golf est un sport à part entière. Il demande de la résistance, de la force, de l’agilité. J’ai 19 ans et je comprends qu’il ne faut pas juger sans savoir.
Trente ans sont passés. Je me souviens toujours de ce moment magique au golf de Strathpeffer. Il reste gravé dans mon esprit à tout jamais. C’est un véritable paradis sur terre. J’y déambule encore parfois lorsque je veux m’évader du moment présent.

Je suis Magali Dupré, 53 ans, écrivaine. Mariée, fière mamma de Léo & Léa, j’habite un petit village au pays du lac d’Aiguebelette.
Après un changement radical de vie, j’ai senti le besoin d’écrire. Pour cela, je me sers de mon imagination très fertile : je m’invente des scénarios dans lesquels je vis des aventures extraordinaires. Mais pour Le Grand Prix Littéraire du golf, nul besoin d’imaginer. Il m’a simplement suffit de me remémorer cette superbe expérience vécue à l’âge de 19 ans, à la fin de mes études et avant d’entreprendre une longue carrière dans le domaine bancaire. Si on se replace à cette époque, le golf était vraiment réservé à une classe sociale, à une élite dont je ne faisais pas partie et qui ne m’attirait pas du tout. Et pourtant… Quelle découverte ! Quel bonheur ! Mes initiations de golfs ultérieures ne m’ont jamais redonné ces sensations malgré mon
insistance. J’en conclus que le souvenir et la nostalgie sont plus fort que la réitération…
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